Par Edmée ARMA
PAUL ARMA qui ne prit ce pseudonyme qu’en 1933 en France, naquit à Budapest le 22 octobre 1904, sous le nom d’IMRE WEISSHAUS qui fut celui de la première partie de sa vie et des débuts de sa carrière de musicien.
Ce fait provoqua certaines confusions et maintes omissions chez ceux qui eurent quelques difficultés à identifier le même personnage sous les deux patronymes.
Après des études à l'Académie musicale Franz Liszt, de Budapest, avec Béla Bartok et Antal Molnar, de 1920 à 1924, Paul Arma donna des récitals de piano en Allemagne, en Bulgarie, en Hongrie, en Italie, en Angleterre, puis fut engagé par Henry Cowell pour des tournées de concerts aux U.S.A., et des cours sur la musique contemporaine dans des Universités américaines.
Conscient des problèmes politiques qui existaient en Europe, il renonça volontairement à sa brillante carrière de pianiste aux U.S.A. pour, de 1930 à 1933, travailler, en Allemagne, comme chef d'orchestre, et directeur des choeurs, à Berlin et à Leipzig avec Bert Brecht Helena Weigel, Ernst Busch, Hanns Eisler. En 1931, on lui demanda d'organiser la vie musicale au Bauhaus de Dessau.
En 1933, Paul Arma, menacé de mort, fut contraint de fuir l'Allemagne nazie, et se réfugia en France.
De 1933 à 1939, il participa activement à la vie musicale française, comme pianiste-soliste à la Radio, comme membre de la « Commission interministérielle des loisirs de l'enfance » et comme fondateur des « Loisirs musicaux de la jeunesse » dont Darius Milhaud accepta d'être Président.
La guerre contraignit Paul Arma à la clandestinité. Il entreprit de recueillir les chants de maquis, de partisans, de prisonniers, vaste matière musicologique et sociale, déposée aujourd'hui au Musée de la Résistance de Thionville. Le compositeur écrivit, pendant cette période « Les chants du silence », sur des textes de Vercors, Eluard, Vildrac, Cassou, Aveline, Romain Rolland, Ramuz, Marie Gevers, René Maran, Fanny Clar, Claudel, qui seront publiés, en 1953, avec des couvertures dessinées par ses amis peintres : Chagall, Picasso, Matisse, Braque, Léger, Dufy, Clavé, Estève, Pignon, Gischia, Beaudin.
L'arrivée des Américains, en France, permit à Paul Arma de poursuivre une enquête musicologique commencée aux États-Unis, sur le Negro Spiritual. Il fit de nombreux enregistrements avec les soldats noirs, chanteurs non professionnels, les fit entendre en concerts et utilisera les chants recueillis dans de nombreuses conférences données plus tard, en Allemagne et dans les Universités françaises.
En 1945, Paul Arma reprit ses activités de pianiste, en France et à l'étranger. Chargé de missions par l'Université de Paris, et la Phonothèque Nationale, il enquêta sur le folklore de France. Ses recherches lui permirent d'être, de 1950 à 1974, producteur dans les Radios française, belge, suisse, allemande d'une dizaine de séries d'émissions et de faire paraître, en 1952, un disque, chez Folkways, à NewYork : « Folk Music of France, anthologie sonore du folklore musical de la France » .
De 1951 à 1960, Paul Arma fut conférencier de l'Université de Paris, de l'Alliance Française et du « Service des relations culturelles du Ministère des Affaires étrangères » , en France, en Europe, en Amérique, en Afrique.
Mais Paul Arma, auteur avec Yvonne Tiénot, d'un « Nouveau dictionnaire de Musique », paru en 1947, fut avant tout compositeur.
Son catalogue comprend 303 oeuvres pour toutes les formations : 8 cantates, de nombreux choeurs, des oeuvres pour orchestre, ensembles instrumentaux, quatuors, duos, instruments seuls...
De 1954 à 1984, il orienta ses recherches vers la « musique électromagnétique ». Treize oeuvres furent alors écrites parmi lesquelles « Improvisation précédée et suivie de ses variations » créée à Bruxelles, en 1956, « Concerto pour bande magnétique », commande de l’O.R.T.F., créé à l'UNESCO, à Paris, en 1961 ; « Suite pour bande magnétique » créée au Danemark et en Allemagne en 1961 ; « Sept variations spatiophoniques » créées en Allemagne, en 1962 ; « Deux convergences pour bande magnétique » créées au Royal Albert Hall, de Londres, en 1976, avec le saxophoniste Alain Bouhey.
74 partitions du compositeur eurent des couvertures dessinées par 74 artistes contemporains.
Elles furent présentées, sous le titre « Mouvement dans le Mouvement » en France, aux États-Unis, au Mexique, dans de nombreuses expositions accompagnées de concerts.
Dans les dernières expositions, à Budapest, en 1984, à Paris, au Centre Georges Pompidou, en 1985, figurèrent les oeuvres plastiques du compositeur : 81 « Musiques sculptées » (bois et métal) : 3 séries de « Musicollages » : variations sur la clef de sol, le dièse, les cinq lignes de la portée ; des « Musigraphies » , des « Rythmes en couleurs ».
Paul Arma écrivit la musique de deux films ; en 1938: « La femme dans la peinture française » avec des commentaires de René Huyghe ; en 1973 : « Les fils enchantés, naissance d'une tapisserie de Manessier » , film d'Éliane Janet.
Martha Graham, aux U.S.A., Susanna Egri, en Italie, Karin Waehner, en Allemagne et en France, créèrent des chorégraphies sur des oeuvres du compositeur.
En Italie, un ensemble de clarinettes prit le nom : « Quartetto Paul Arma » ; en France, se constitua un « Quatuor de clarinettes de Paris Paul Arma ».
Des oeuvres vocales et instrumentales furent enregistrées sur disques Pathé Marconi, Erato, Chants du Monde, Philips, Calliope, R.E.M., en France ; Columbia, Gasparo, aux États-Unis ; Olympic, Edward record, Zéphir Schott, en Belgique ; S.L.P., en Norvège ; Hungaroton, en Hongrie ; Balkanton, en Bulgarie; R.C.A., en Italie.
De nombreux écrivains, critiques, musicologues publièrent des études sur le compositeur. Parmi eux : José Bruyr, Martine Cadieu, Jean Cassou, Maurice Chattelun, Jean-Louis Depierris, Max Deutsch, Gaston Diehl, Antoine Goléa, Raymond Lyon, Daniel Paquette, André Parinaud, Émile Vuillermoz, en France ; Lan Adomian, au Mexique ; Viorel Cosma en Roumanie ; Henry Cowell aux U.S.A. ; Andras Kenessei, en Hongrie; Boris Kitanof, en Bulgarie.
Plusieurs maîtrises de musicologie eurent pour sujet l'oeuvre du compositeur
Université Paris Sorbonne IV, sous la direction d'Édith Weber : « Paul Arma, l'homme et l'oeuvre » , par Marie-Christine Forget, en 1979 ; Université Lyon II, sous la direction de Daniel Paquette, « Vers une synthèse des arts » par Murièle Grimomprez, et « Paul Arma ou le mystère de la transparence » par Anne-Cathy Graber, en 1985, et « Paul Arma, un musicien plasticien, par Anne-Cathy Graber, en 1988.
Naturalisé Français en 1958, Paul Arma, prix Enesco de la S.A.C.E.M. s'honora d'avoir été reconnu par un pays qui le fit Chevalier de l'Ordre national de la Légion d'Honneur, Officier de l'Ordre national des Arts et des lettres, Officier de l'Ordre national du Mérite.
Mais il aimait à préciser : « Si je crois pouvoir être fier de quelque chose dans ma vie d'artiste, c'est d'avoir réussi à rester libre et indépendant de toute doctrine, de toute école et de toute chapelle ».
Puis, qui mieux que JOSE BRUYR sut dessiner le portrait du musicien :
« Quel est le musicien qui - majuscules à l’appui - prétendit jadis constituer à lui seul - lui seul, et c’était assez - le Groupe de Un ? Je ne sais, mais ç’aurait pu être PAUL ARMA..
Mais il y a tant de Paul Arma qu’il pourrait aussi bien être - à lui seul toujours - le Groupe des Quatre ou des Cinq. A la vérité, je ne connais pas de musicien qui manifeste pour toutes les formes de la musique et jusqu’aux plus humbles (mais les plus humbles ne sont pas les moins vivantes) une plus vivace, une plus vivante passion. Je n’en connais point dont la curiosité soit plus vaste, l’activité plus multiforme, l’apostolat plus universel.
Très tôt, il lui fallut renoncer à sa famille. Heureusement, le maître de la « Musique pour cordes et percussions » : BELA BARTOK, devait en tenir lieue.. Il eut non seulement ses cours l’Académie, mais encore chez lui, à toute heure du jour, des leçons, qu’il put bien dire parfaitement incomparables. C’est que nul art n’était étranger à la curiosité, au génie de Béla Bartók. Il lui fit lire Dostoïevski et Stravinsky, Victor Hugo et Darius Milhaud. Les œuvres nouvelles, c’est souvent ensemble qu’ils les déchiffraient. D’un coup d’œil infaillible, le maître les démontait, les jugeait, les recomposait ».